« Je ne me remets pas de l’usure de mon blouson en jean parfait alors maintenant que j’ai presque trouvé le même, je l’économise pour ne pas l’abimer trop vite », me raconte Charlotte, une cliente, devant des blousons bas de gamme qu’elle s’obstine à porter sans les aimer. « J’ai passé mon temps à chercher à remplacer ce blouson, il y avait toujours un truc qui cloche. Là, j’ai l’impression que c’est pas mal. »  La peur de ne pas retrouver le graal me fait penser au syndrome des habits du dimanche (qui peuvent d’ailleurs être ceux de la semaine), tellement beaux ou intimidants qu’ils finissent par se démoder avant d’avoir été usés. C’est normal d’avoir peur d’être séparée de ses vêtements les plus chers. C’est logique de regretter ceux qui faisaient du bien. Mais méritent-ils d’être dupliqués ou vaut-il mieux tourner la page ? Pour répondre à cette question, commencez par vous demander ce qui vous pousse à vouloir retrouver une pièce que vous n’avez plus. Interrogez vos motivations pour vérifier si votre quête vaut le coup.

« Cette veste à carreaux, c’était tout moi »

Annabelle me montre une photo d’une veste à carreaux grise et verte perdue dans un déménagement il y a cinq ans. Chaque hiver, elle scrute les collections au cas où elle aurait la bonne idée de réapparaître. Elle a mis des alertes sur des sites de seconde main et craqué pour deux vestes à carreaux dans le même esprit mais qui ne lui vont pas si bien. Je l’ai aidée à comprendre qu’elle se trompait d’objectif : ce qui la met en valeur, ce n’est pas tant le tissu de sa veste égarée que ses proportions. Si les carreaux des copies ne lui vont pas si bien que ça, c’est parce que le clonage est loupé. Certes, les vestes ont des carreaux. Mais leur coupe est bancale. En se focalisant sur l’imprimé, Annabelle a oublié de prendre en compte la longueur pile sous les hanches idéale pour sa morphologie. Une fois l’info assimilée, elle peut orienter autrement ses recherches pour trouver enfin une veste qui la comble sans déséquilibrer sa silhouette. Elle ne sera peut-être pas à carreaux mais à rayures tennis ou en tweed. Mais mieux vaut faire le deuil d’un achat « presque » identique que s’acharner sur des imitations boiteuses. C’est parfois le passage nécessaire pour créer une penderie vivante.

« J’étais tellement bien dans ces bottes »

C’est si jouissif de se sentir parfaitement à sa place dans une paire de chaussures ou un vêtement que les substituts, imaginaires ou réels, peuvent faire pâle figure. Je fais référence à tous ces « basiques idéaux » de la garde-robe qui vous ont peut-être donné du fil à retordre : la chemise blanche parfaite, le t-shirt blanc idéal, le jean belles-fesses, les talons aussi confortables que des chaussons… Comme Charlotte et son blouson en jean, une fois introduits dans ses placards, on voudrait qu’ils y restent à vie. Or, les penderies ayant mieux à faire que de contenir des reliques de musée, il va de soi que, sorties de l’armoire, les pièces phare vieillissent et finissent par lâcher. Alors oui, si vous avez trouvé la coupe parfaite pour votre style et votre morphologie, vous avez raison de désirer son clone. Mais attention, calibrez parfaitement votre demande pour retenir ce qui importe le plus. Êtes-vous comblée par la hauteur de tige de ces bottines qui élance votre silhouette ou serait-ce plutôt la cambrure confortable de leurs talons qui prime ? À moins que ce soit cette teinte lie-de-vin qui s’accorde à toutes vos tenues. Pour vous, quels sont les critères les plus précieux ? Par exemple, si ce qui compte dans ces bottines, c’est le confort et l’allure qu’elle vous donne, reléguez la teinte au second plan. Au moment de les remplacer, vous ne resterez pas bloquée sur la couleur mais vous vous concentrerez sur vos filtres prioritaires, cambrure et hauteur de tige. Une couleur versatile est plus simple à trouver. Même raisonnement avec votre t-shirt blanc étalon : qu’a-t-il de si parfait ? Son encolure, son ampleur, sa matière ? Permettez à un petit frère plus ou moins éloigné de vous convaincre par sa valeur ajoutée. Il aura l’encolure qui convient à votre morphologie et la blancheur compatible avec votre dressing mais sa légère ampleur fera la différence. En résumé : si vous ne trouvez pas le parfait copié-collé de vos basiques, ouvrez la porte à un jumeau doté d’un supplément d’âme.

« Que de souvenirs avec cette robe bleue !»

Ah ce « vêtement-émotion » qui évoque tellement de moments importants. On en a toutes dans nos placards ou en mémoire. Lorsqu’il nous lâche, on s’y attache davantage et avec le temps qui passe, son souvenir peut devenir une obsession. C’est le principe de la fixette : puiser son énergie dans la frustration. Plus on le cherche, plus on le veut et moins on est armée pour résister à la rencontre avec un ersatz. Mais il manquera toujours une chose essentielle à ce presque pareil : la saveur de l’absent. Si vous êtes sensible à ces mots, demandez-vous pourquoi vous tenez autant à cette robe fatiguée que vous glissez dans votre valise à chaque vacances, à ce blouson qui a connu votre première histoire d’amour ou à ce pull dans lequel vous vous réfugiez lorsque vous êtes fatiguée. Êtes-vous davantage attaché à un lien sentimental ou à l’esthétique et au confort du vêtement ?... Dans le premier cas, dites-vous qu’aucune doublure ne sera jamais à la hauteur du premier rôle. Alors au lieu de « shazamer » de piètres remplaçants et d’accumuler les erreurs d’achat, vous avez intérêt à partir à la rencontre de nouvelles amitiés vestimentaires : le coup de foudre peut se trouver partout. Dans le second cas, à moins de retrouver le modèle original, gardez en tête les atouts majeurs de votre pièce fétiche et partez en exploration. Vous ne rencontrerez peut-être pas une robe d’un bleu identique mais vous tomberez peut-être sur une robe safran au tombé gracieux. Valérie, une passionnée de mode, témoigne : « J’aimais tellement porter ma veste Isabel Marant avec mon pantalon Sœur que lorsque je n’ai plus réussi à rentrer dedans, je les ai rachetés une taille au-dessus sur Vinted. Une exception parce que je ne cherche jamais à retrouver des pièces du passé. Elles appartiennent à mon ancien moi et je préfère la nouveauté. » Dites-vous qu’il y aura forcément des trésors que vous regretterez. Mais en matière de vêtements aussi, c’est bon de lâcher prise. C’est un bon moyen de faire évoluer son style.